Perdre 10 kilos en deux semaines : voilà la promesse qui attire vers le régime Thonon. Derrière les témoignages enthousiastes se cache une réalité plus nuancée, faite de contraintes extrêmes et de risques dont on parle peu.
Aux origines d'un protocole controversé
Né dans les années 2000 au CHU de Thonon-les-Bains, ce régime était initialement destiné aux patients obèses avant chirurgie. Sa diffusion grand public a largement détourné son usage premier. Le principe ? Forcer l'organisme à puiser dans ses réserves via un double mécanisme : restriction calorique drastique (entre 600 et 800 kcal/jour) et apport protéique massif pour limiter la fonte musculaire.
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas un régime cétogène classique. Les glucides ne sont pas totalement supprimés mais réduits à portion congrue, juste assez pour éviter l'acidocétose tout en maintenant un déficit énergétique maximal.
Deux semaines dans l'assiette d'un pratiquant
Concrètement, les journées types tournent autour de café noir, œufs durs, steak grillé sans matière grasse, yaourt 0%, épinards vapeur et tomates. Les substituts protéinés peuvent remplacer certains repas, mais attention : leur composition varie énormément d'une marque à l'autre.
Une participante témoigne : « J'ai tenu 9 jours. Les trois premiers, euphorie et légèreté. Ensuite, fatigue intense, irritabilité et obsession alimentaire constante ». Ce basculement psychologique arrive fréquemment entre le 5ᵉ et 8ᵉ jour, quand les réserves de glycogène sont épuisées.
La phase oubliée : la stabilisation
On insiste rarement sur cette étape pourtant cruciale. Elle devrait durer le nombre de jours de la phase intensive multiplié par sept, soit près de trois mois. Durant cette période, la réintroduction alimentaire suit un protocole strict : féculents puis corps gras, toujours sous surveillance calorique. Sans cette transition, la reprise de poids guette dans 85% des cas selon les données de suivi à six mois.
Ce que révèlent les chiffres 2025
Une méta-analyse parue début 2025 dans l'European Journal of Clinical Nutrition apporte un éclairage édifiant. Sur 1 847 participants suivis pendant 18 mois après un régime hypocalorique intense, 76% avaient retrouvé leur poids initial, voire davantage. Plus préoccupant : 23% présentaient des marqueurs biologiques dégradés (fonction thyroïdienne ralentie, cortisol élevé).
Autre donnée récente : les appels aux centres antipoison pour malaises liés aux régimes restrictifs ont augmenté de 34% entre 2023 et 2024 en France. La déshydratation et les déséquilibres électrolytiques représentent les deux tiers des cas.
Les substituts protéinés sous la loupe
Tous ne se valent pas. Certains affichent des profils nutritionnels corrects avec vitamines et minéraux ajoutés, d'autres cumulent édulcorants artificiels, maltodextrine et pauvreté micronutritionnelle. Le label « hyperprotéiné » n'est pas réglementé, d'où des dérives marketing.
Un conseil pratique ? Vérifiez la présence de magnésium, potassium et vitamines du groupe B dans la composition. Ces nutriments sont les premiers à manquer lors d'une restriction sévère. Privilégiez aussi les sources avec un ratio protéines/calories supérieur à 0,3.
Pourquoi la balance affiche moins 8 kilos
Décortiquons cette perte spectaculaire. Les 3 à 4 premiers kilos correspondent majoritairement à l'eau et au glycogène (chaque gramme de glycogène stocke 3 grammes d'eau). Ensuite, la répartition varie selon les individus : environ 40% de masse grasse, 30% de masse maigre et 30% encore d'eau.
Perdre du muscle pendant un régime n'est jamais anodin. Chaque kilo de muscle perdu réduit le métabolisme de base de 13 kcal/jour environ. Faites le calcul sur plusieurs kilos et vous comprenez pourquoi la reprise devient quasi inévitable.
Le piège du métabolisme ralenti
Après deux semaines à 700 kcal, l'organisme adapte sa dépense énergétique. Des études par calorimétrie indirecte montrent une baisse métabolique pouvant atteindre 15 à 20%. Ce phénomène persiste plusieurs mois après l'arrêt du régime, créant un terrain favorable à l'effet yoyo.
Les signaux d'alarme ignorés
Au-delà de la fatigue attendue, certains symptômes doivent alerter immédiatement. Crampes récurrentes (signe de carence en magnésium ou potassium), vertiges au lever (hypotension orthostatique), chute de cheveux inhabituelle (carence en fer, zinc), troubles du cycle menstruel chez les femmes.
Plus insidieux : l'installation progressive d'une relation malsaine à la nourriture. Le passage d'une restriction extrême à une alimentation normale génère souvent culpabilité, compensation et restrictions cycliques. Les professionnels parlent de « syndrome de restriction cognitive ».
Qui ne devrait jamais tenter l'expérience
La liste des contre-indications dépasse largement celle communiquée habituellement. Évidemment, femmes enceintes, adolescents et personnes âgées sont exclus. Mais ajoutez à cela toute personne sous traitement pour hypertension, diabète, troubles thyroïdiens, ainsi que celles présentant un IMC inférieur à 25.
Les antécédents de troubles du comportement alimentaire constituent une contre-indication absolue, même anciens. Le risque de rechute ou d'aggravation est documenté. De même, un terrain anxieux ou dépressif rend ce type de protocole dangereux pour l'équilibre psychologique.
Alternatives plus sûres et efficaces
Pourquoi certains préfèrent quand même tenter le Thonon ? Souvent par recherche d'un déclic motivationnel. Cette approche est-elle la bonne ? Les données suggèrent que non. Une perte progressive de 0,5 à 1 kg par semaine via un déficit modéré de 300 à 500 kcal donne de meilleurs résultats à long terme.
L'approche chrononutrition ou le jeûne intermittent 16/8 offrent des cadres moins brutaux tout en permettant une perte de poids. Surtout, ils enseignent une régulation naturelle de l'appétit plutôt qu'une lutte permanente contre la faim.
L'accompagnement fait la différence
Quelle que soit la méthode choisie, le suivi par un diététicien-nutritionniste multiplie par trois les chances de maintien du poids à deux ans. Le coût initial (50 à 80 euros la consultation) est largement compensé par l'évitement des échecs répétés et leurs conséquences métaboliques.
Le verdict sans filtre
Le régime Thonon fonctionne-t-il ? Oui, sur 14 jours. Est-ce une solution durable ? Les faits disent non. Est-ce sans risque ? Absolument pas. La vraie question devient alors : pourquoi privilégier une approche agressive quand des méthodes plus douces existent ?
Si malgré tout vous envisagez ce protocole, trois conditions sont impératives : bilan sanguin préalable (NFS, ionogramme, fonction rénale et hépatique), suivi médical hebdomadaire et engagement sur la phase de stabilisation. Sans ces garde-fous, vous jouez à la roulette russe métabolique.
La perte de poids rapide séduit, mais la santé se construit sur le long terme. Avant de réduire drastiquement vos apports, demandez-vous si vous êtes prêt à assumer les conséquences physiologiques et psychologiques potentielles. Parce qu'en nutrition comme ailleurs, les raccourcis coûtent souvent plus cher qu'ils ne rapportent.